Lorsque nous avons fêté les dix ans d’ADEPA, j’étais très émue. Je le suis plus encore pour fêter les vingt ans. En effet, je ne suis plus présidente mais j’ai le grand plaisir de voir que l’association perdure et qu’elle est en constante progression.
Je veux tout d’abord adresser un grand merci à Philippe Houseaux qui a su maintenir le cap, même en temps de crise.
Mais je ne peux retracer les dix premières années d’ADEPA sans évoquer le Dr Rigal.
Au départ
Au départ, il y a eu, du côté du Dr Rigal, la volonté de regrouper ses patients en association.
De mon côté, il y avait d’une part la volonté d’œuvrer pour améliorer la qualité de vie des personnes amputées, avec la prise en compte de la blessure psychologique que crée l’amputation, et d’autre part ma colère de constater un certain nombre de manques au niveau législatif et au niveau de la prise en charge financière.
De nos deux volontés réunies est née ADEPA.
Pour préparer ce discours, je me suis replongée dans les bulletins des dix premières années.
Le chemin parcouru a été long, souvent difficile, toujours enrichissant, parfois empreint de doutes mais jalonné de victoires.
J’y ai retrouvé des témoignages sympathiques ou bouleversants de
Nadège, qui découvre l’injustice de la prise en charge selon la cause de l’amputation ;
Lydie, qui déclare que tout est possible sur une jambe ;
René, qui apporte son témoignage de papa ;
Sabine et son rêve de doigts de pied ;
Anthony, qui prouve qu’on peut continuer ses études malgré l’amputation ;
Christian et ses problèmes de stationnement ;
Laurent, qui court, qui court, qui court ;
Charles, qui raconte son trek dans l’Annapurna ;
Samuel, qui refait de la moto ;
Jean-Philippe, vainqueur en quad du Rallye Optic 2000 en Tunisie ;
Sonia et son permis de conduire ;
Georges, champion d’Europe de handigolf,
Brigitte et Philippe, qui volent en parapente.
J’y ai retrouvé mes coups de gueule sous forme d’éditos ou d’articles sur les droits fondamentaux sans cesse bafoués, sur les évolutions législatives qui tardent à venir.
Des revendications
– 1997 : Demande de réforme de l’indemnisation avec l’instauration d’un régime unique d’indemnisation et non pas selon la cause (malheureusement, vingt ans après, rien n’a changé dans ce domaine).
– 1999 : Première lettre ouverte aux députés pour un remboursement et une prise en charge financière plus conformes à la réalité du marché, ce qui aboutira à la prise en charge du C-Leg en 2005.
– 2001 : Nouvelle lettre ouverte aux députés pour étendre l’octroi du macaron GIC aux amputés tibiaux ayant moins de 80 % d’invalidité, ce qui aboutira à la parution d’un article dans la loi de modernisation sociale de 2002 ouvrant le bénéfice du macaron GIC quel que soit le pourcentage d’invalidité.
– 2001 : Lettre au directeur de la DDTEFP pour dénoncer les pratiques irrespectueuses des membres de la COTOREP (j’ai par la suite siégé à la COTOREP pour veiller au respect des droits des personnes).
– 2006 : Lettre aux députés concernant la carte européenne de stationnement qui exclut les personnes amputées, suivie d’une rencontre avec le ministre, qui aboutira à la publication, en février 2007, d’un arrêté ouvrant la carte de stationnement à toutes les personnes amputées, quel que soit le niveau de l’amputation.
La structuration progressive de l’association
– Mise en place de commissions : information, communication, défense des intérêts, recherche, étude, loisirs et entraide,
– 1999 : mise en place des rencontres aux Massues,
– 1999 : création du site internet,
– 1999 : première initiation à la course à pied,
– 2001 : création des premiers correspondants locaux avec les sections affiliées,
– 2001 : première sortie de ski,
– 2001 : création d’un sac de transport de prothèse,
– 2002 : marche dans le désert marocain,
– 2002 : les adhésifs “Si vous prenez ma place, prenez aussi mon handicap”,
– 2003 : première sortie parc aventure,
– 2003 : les centièmes adhérents : Quentin et Marlène,
– 2003 : prix « Servir » qui m’est remis par le Rotary de Villefranche,
– 2004 : article dans la revue Science et Vie,
– 2005 : première présentation du futur guide « Les petits petons de Valentin »,
– 2005 : nouveau logo d’ADEPA,
– 2005 : reportage TV dans l’émission “Magazine de la santé”,
– 2006 : fraternité autour d’Altaï, venu de Mongolie, qui sera hébergé par un membre d’ADEPA et sera appareillé gracieusement par Rhône orthopédie,
– 2006 : rencontre avec le ministre au sujet de la carte de stationnement et publication, en 2007, de l’arrêté ouvrant la carte de stationnement à tous.
En guise de conclusion, je voudrais citer une phrase que j’ai lue en épigraphe dans un livre.
Quand je donne des cours sur le handicap, je la cite toujours et je demande aux étudiants de l’écrire en pensant bien à chaque mot :
Ni héros,
Ni mendiants,
Simplement citoyens.
Et pour terminer
Lors de la dernière AG, Philippe avait annoncé qu’on fêterait les vingt ans d’ADEPA en 2016 et qu’il avait besoin de bonnes volontés pour préparer cet anniversaire. Sabine, qui était présente, s’est portée volontaire. Et j’ai dit : “Chiche, on s’y met toutes les deux.”
Sabine avait, comme moi, été amputée très jeune à la suite d’un cancer des os.
Quand j’ai commencé l’aventure ADEPA, Sabine était à mes côtés. Pendant dix ans, elle a été une secrétaire à toute épreuve, toujours disponible, toujours souriante. Ensemble, nous avons préparé l’aventure marocaine. Au fil du temps, elle est devenue professionnellement mon assistante de direction et aussi ma meilleure amie.
Et puis, il y a un an et demi, le cancer l’a à nouveau prise dans ses filets. Il était très méchant. Elle s’est battue tant qu’elle a pu. Je l’ai accompagnée autant que faire se peut. Mais elle n’a pas été la plus forte. Aujourd’hui, elle est dans un service de soins palliatifs et je pense très fort à elle qui aurait dû être sur cette estrade à mes côtés.
Si je parle de Sabine, c’est parce que c’est cela aussi, ADEPA, des amitiés qui se nouent, solides, pour le meilleur et parfois pour le moins drôle. Mais ce sont des amitiés sincères, directes, sans hypocrisie.
C’est cela aussi qui m’animait lors de la création d’ADEPA : le désir de créer du lien, des rencontres, de permettre aux personnes de sortir de leur solitude.
Et votre présence ce soir me fait chaud au cœur parce que vous êtes nombreux et que l’aventure ADEPA est partie pour durer encore, avec nous, avec vous, avec d’autres.